C’est le problème, quand ça va mal, tu peut être sur de sentir que la bête rode. Il y a une odeur remarquable, une présence certaine du monstre. Elle est là, pas de doute, le noir monte. 

Une clope peut faire cet effet, souffler toute la noirceur que tu possède et la contenir dans ta gorge, dans tes poumons pour la souffler sur ta propre face dans la forme d’un fauve. 

Le mieux c’est d’essayer d’embrasser ce mal, de respirer cette fumée. Cours vers la bête et ne cours pas comme un con pour tenter de fuir, elle te rattrapera pour sûr. N’essaye pas de l’éviter à tout prix, à coup de joint, de pilules et d’alcool pour essayer de la contenir, crois moi, ce sera pire, ça va lui donner faim. Alors encaisse, accepte qu’elle te bouffe un peu, qu’elle morde dans ta chair et te laisse quelques cicatrices, c’est à celles-ci qu’elle reconnaîtra que tu sais encaisser. Gagne son respect en prenant sur toi pour souffrir de la façon la plus normale, pleinement, face à la bête, dos au mur. 

Y a pas d'échappatoire à la douleur, juste du temps gagné à coup de pilules, des petites minutes où l’on grappille sur le vide, on s’engage plus profond dans la grotte sans savoir qu’il n’y a pas d’issue. La bête noire, elle, avance doucement, pleine, d’émotions et d'obscurité, mais pleine. Je préfère ce plein de noirceur qu’un immense vide de rien. 

Alors tu fais comment ? Pour le moment tu sondes le vide, la taille du monstre, regarde sa profondeur, jusqu’où tu peux te laisser bouffer et explorer les limites de son appétit pour ton noir épais. 

ça va vraiment mal, mais je commence à gérer et à la connaître cette noirceur, à vivre avec et à ne pas essayer de la dompter comme une bête sauvage, dressée pour divertir les autres, spectacle quotidien. Non, juste marcher avec, l’observer et la décrire. Noter précisément son comportement, sa manière de se déplacer, son regard qui me transperce le bide. Je l’ai crée alors autant la connaître. Je suis immobile, je prends des notes et j’observe comment la bête se déplace, son comportement. Je la laisse à l’état brut, sauvage. Cette noirceur brille dans son élément, en moi, ne la caresse pas, ce n’est pas ton clebs c’est un animal dangereux et sublime, il vivra longtemps à condition de ne pas le tuer.

C’est ce que certains cherchent à faire, mettre fin au règne animal pour prendre le contrôle sur cette nature sauvage et obscure. Tuer le règne de l’animal. Ils consultent, prennent tous les jours la pilule qui va euthanasie gentiment ce beau monstre. Et alors ils deviennent des petites bêtes innocentes et insouciantes, sachant que le loup ne rode plus, l’esprit en paix à paître tranquille. 


Ils ne savent pas ce qu’ils brisent, cet équilibre naturel. La jungle sublime qui rayonne à l’intérieur, un équilibre précaire, un chaos magnifique. La loi de la jungle, leur jungle. 

C’est tout une chaîne qu’ils mettent en péril, car sans danger, ils viennent de se mettre en cage, à l'abri dans un zoo. Ils refusent la vie sauvage, leur état naturel, pour se rassurer dans un environnement qui n’est pas le leur, à l’abri de la bête ou complètement débarrassé de tout danger. 


Mais moi je préfère vivre sans barbelé pour protéger mon troupeau, être au grand air et savoir consciemment que la bête rôde, sentir sa présence et lui faire savoir que je n’ai pas peur, que je la connaît. Elle se nourrit de ma peur et de mes angoisses, elle est cette angoisse. Alors je la regarde dans les yeux, je partage un même territoire et parfois je la laisse rentrer dans ma zone. 

Mais comme c’est bon de savoir que je vis avec ce monstre, que je n’ai pas peur de lui mais s’il me rend misérable. Je suis entier. elle n’a pas eu ma peau.